Durée : 1h45mn Un film habité par sa propre beauté stellaire, méticuleux et abscons, qui refuse l’aisance du cinéma de genre pour la confusion des genres. Une belle abstraction désastre en quelque sorte, aussi irritante que fascinante.
L’argument : Emma, une jeune femme mystérieuse, se découvre peu à peu un pouvoir étrange : à son contact, ses amants disparaissent. François, astronome spécialisé dans l’étude du phénomène des trous noirs, rencontre Emma dans un aéroport. Il tombe aussitôt amoureux de cette jeune femme belle et fascinante. Une idylle se noue entre les deux jeunes gens. Mais au bout de quelques jours, François disparaît sans laisser de traces. Avec l’aide de Michel, le frère de François, Emma cherche à percer le mystère de cette disparition - sans se douter qu’elle y est peut-être pour quelque chose...
Notre avis : Le fantastique a une longue tradition métaphysique statique en France, ce qui, souvent, confine le genre au seul circuit art et essai. On se souvient des récents Fantômes de Jean-Paul Civeyrac, Barrage de Raphaël Jacoulot ou encore Les revenants de Robin Campillo. Des échecs. Le manque d’engouement général autour de ces œuvres absconses n’a pas empêché Eric forestier, pour son premier long, de pécher par orgueil en retombant dans les écueils du fantastique élitiste, à forte teneur intellectuelle.
L’argument - la dissolution dans les airs de l’homme, qui devient pure abstraction fantomatique (un peu comme dans Fantômes, justement, ou dans Kairo de Kiyoshi Kurosawa) - est ici prétexte à une recherche des formes et du fond sur une intrigue jugée secondaire. Forestier, loin d’être gauche, distille un mystère épais sur la disparition soudaine du jeune scientifique amoureux, interprété par Gaspard Ulliel. De sa lumineuse mise en scène, il éclipse son personnage charismatique, pour n’en garder que les effluves sensuels, alors que la jeune Clémence Poésy, personnage au départ réellement antipathique, en quête de son jeune amant disparu, ne rassemble que des éléments de mystère et de confusion assez lynchiens sur son chemin vers un accomplissement personnel progressif.
L’idée d’une semi-réussite artistique s’impose à nos yeux alors que La troisième partie du monde, malgré ses promesses initiales, s’installe dans la mécanique du film d’auteur beau, mais vain. Peu à peu, le cinéaste semble vouloir s’éloigner des énigmes, pourtant attractives, pour ne se concentrer que sur l’étoffe esthétique et signifiante de son premier bébé que la magnificence des plans et l’harmonieuse réalisation situent à des hauteurs un peu nombrilistes. Celles-ci ne sont-elles pas, par ailleurs, réaffirmées par les prétentions scientifiques du scénario où l’ésotérisme croise régulièrement l’astronomie et la physique. Aussi, il devient impossible de ne pas voir dans cette première œuvre si travaillée, une boursouflure métaphorique un peu complaisante dans sa volonté évidente d’être, avant toute autre chose. Peut-être aurait-il mieux valu que le réalisateur se concentre sur la peinture des personnages, desquels on se tient trop à distance, tant dans leur sensualité que dans leur détresse et leur folie.
Forestier, et son style prometteur, nous incite pourtant à l’indulgence. Avec un peu plus de générosité, de souffle de vie et des figures dramatiques incarnées, le cinéaste trouvera sûrement son envol et nous, le plaisir total d’assister à un cinéma de genre français intelligent, libéré des lourdeurs stylistiques habituelles.
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